Sapés comme... toujours !

Sapés comme... toujours !

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En cette période d’effervescence sur les podiums et chez les créateurs de mode en Tunisie avec le concours de la Khomsa d’or et la Fashion Week qui viennent de se terminer, on a choisi de vous parler des rois de la sape, de la sapologie et de la danse des griffes chez les ambianceurs congolais ! rien que ça ! là où la Fashion Week dure 12 mois par an, jour et nuit.

 

 

La Sape, acronyme de société des ambianceurs et des personnes élégantes, élevée par ses adeptes au rang de religion, est un véritable mouvement d’identité vestimentaire. Née au Congo au début des années 60, cette société, certes informelle, recense en plus des personnes passionnées par le monde de la mode, des bars, des clubs et autres lieux branchés.

Le nom du mouvement est très explicite et décrit très bien de quoi il s’agit : bien s’habiller, être soigné, élégant, tiré à quatre épingles ; cela englobe même la démarche, la façon de regarder les autres et de s’adresser à eux. Ce sont de vrais personnages que les sapeurs composent, personnages qu’on pourrait décrire comme pompeux, théâtraux et cultivant l’égocentrisme poussé à son niveau le plus élevé.

 

La Sape se décline en deux écoles : celle de Kinshasa, où l’on prône l’excentricité et l’originalité, et celle de Brazzaville, où dandysme et raffinement sont les maîtres mots.

 

Les sapeurs ne jurent que par les grandes maisons de haute-couture, les dernières créations de Versace, Dolce Gabbana, Issey Miyake remplissent leurs armoires, ils les collectionnent.

Les contrefaçons et les imitations ? Oh ! grand malheur !!! jamais au grand jamais elles ne frôlent leurs peaux, au risque de se faire bannir à vie de la Sape ! Un vrai sapeur ne rigole pas avec les griffes.

 

Les griffes, ils les arborent de la tête au pied, ne négligeant aucun détail ! même les chaussettes et les sous-vêtements doivent être signés par les plus grands créateurs de mode. Un vrai sapeur ne néglige aucun détail !

 

 

 

 

La Sape a inspiré des réalisateurs et des chanteurs, ainsi on a vu apparaître toute une production artistique qui glorifie ce mouvement identitaire original.

Le 24 avril 2016, Papa Wemba, légende de la rumba congolaise et icône du mouvement de la SAPE, décédait sur scène, en plein concert à l’âge de 66 ans. De son vivant, le chanteur et figure emblématique dans tout le continent et même au-delà, a influencé des centaines de jeunes qui copiaient ses looks à chacun de ses passages à la télé ou sur scène.

Au-delà des looks, Papa Wemba a rendu hommage à la Sape dans son répertoire, notamment dans les chansons Matebu et Proclamation.

 

Le film « Black Mic mac » de Thomas Gilou, sorti en 1986, avec Jacques Villeret et Isaach de Bankolé en têtes d’affiche, est un autre exemple. Dans une des scènes du film, on voit les sapeurs se donner à ce qu’ils appellent « la danse des griffes », et qui consiste à exhiber sa tenue, dans ses moindres détails, tout en esquissant des pas de danse, devant un public fait d’autres sapeurs.

 

La Sape transgresse les règles à plus d’un égard, outre le fait qu’elle ne comprend dans ses rangs que des hommes, là où on s’attendrait à voir des femmes, les sapeurs sont en contraste total avec les conditions de vie qui les entourent. Il est très perturbant de voir ces personnages tirés à quatre épingles, avec des chaussures brillantes et qui embaument le parfum à des mètres à la ronde, dans leur milieu, se dandiner à côté de maisons délabrées, d’enfants affamés et dénudés, de routes en terre où la poussière de lève à chaque pas, et où la misère enveloppe de ses tentacules tout ce qui l’entoure.

Ce mouvement qui ne jure que par le culte du paraître ne serait-il pas un moyen pour les sapeurs d’échapper à leur triste réalité ? d’occulter l’âpreté du quotidien et de se projeter dans un monde où tout est beau, coloré, à l’opposé de l’amertume du réel ?

Si certains voient les sapeurs d’un mauvais œil, considérant qu’ils devraient mieux s’occuper de leurs familles, qui ont plus besoin de tout cet argent dépensé pour acheter les vêtements, d’autres, peut-être plus nombreux, leur vouent une admiration et un culte sans précédent, ne ratant aucune de leurs sorties et rêvant discrètement de leur ressembler, de devenir sapeurs à leur tour !